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Biographie
Diplômée de l’École Supérieur des Arts à Liège, Julie Franchet travaille sur l’absence que ce soit de manière artistique avec « LLorando » ou journalistique avec sa série documentaire « Esprit de famille : la préférence du fils » en Arménie. Ainsi, elle tente de mettre en valeur celles et ceux que l’on oublie ou que l’on veut oublier.  Également, elle tente de redonner une place à l’humain où celui-ci devient auteur et maître de son image lors de résidences, projets de médiation et ateliers.

Esprit de Famille – Arménie
L’Arménie est un pays de 3 millions d’habitants enclavé entre la Géorgie, l’Iran, la Turquie et l’Azerbaïdjan, deux pays ennemis. Dans un contexte de menaces permanentes, les arméniens luttent pour la préservation de leur patrimoine, de leur histoire, de leur tradition.

Dans le marz de Gegharkunik, région la plus pauvre d’Arménie, l’héritage est un moyen de survie. Dans cette société patriarcale, la famille détermine l’avenir. Le fils est considéré comme étant le seul à travailler pour la postérité de la maison paternelle. Tandis que la fille s’engagera corps et âme à soutenir sa future belle-famille. Cette différenciation entre les genres a des conséquences néfastes sur les femmes tant d’un point de vue psychologique que physique. En janvier 2019 la région de Gegharkunik a recensé la naissance de 111 garçons pour seulement 70 filles entrainant un déséquilibre important. (Le ratio naturel de natalité se situe autour de 105 garçons pour 100 filles). Malgré les efforts du gouvernement arménien, les avortements sélectifs ne diminuent pas puisque les mentalités ne changent pas. La préférence est toujours donnée à l’héritier. Les femmes se doivent de se marier jeune et de donner naissance à un fils, au moins. Accablées par les pressions sociales et familiales, venant très souvent de la belle-mère, elles obéissent à des lois morales qui vont au-delà de leur volonté et même de leur santé. Les lois patriarcales sont très souvent imposées par les femmes entre elles.

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Votre premier souvenir photographique, la première émotion 

Il me semble que mon premier souvenir photographique, je le dois à mon grand-père qui nous projetait ses diapositives sur un écran dans le salon. La découverte de leur voyage ou des souvenirs d’enfance de ma mère étaient un grand moment de partage, certes imposé, mais que j’ai appris à aimer après sa disparition. Je ne me souviens pas d’une image en particulier, mais de découvrir que ma mère avait été enfant, qu’elle avait joué, qu’elle avait grandi, qu’elle avait son histoire à elle avant de nous avoir mon frère et moi, est une prise de conscience que j’ai aimée et que seule la photographie pouvait attester.

 Le ou la photographe qui a suscité votre passion

La photographe Dorothea Lange avec sa photo « Migrant Mother ». C’est pour moi une image juste, intemporelle, qui provoque une grande émotion de tendresse, de révolte et aussi de compassion. Je me fiche de savoir si elle a été retouchée, si c’est une mise en scène ou autre, pour moi, elle dénonce une vérité historique, provoque de l’émotion et là est le travail du photographe.

Votre première photographie

À un de mes anniversaires, ma tante m’avait offert un appareil photo avec des pellicules. Il a très vite été cassé. Ma première photographie devait être voilée et floue. Ce n’est que bien plus tard que j’ai pu m’acheter mon premier réflex argentique. Je ne savais pas quoi photographier alors je me suis mise en scène dans ma chambre. Plus tard, j’ai demandé à une amie de venir poser. J’ai très vite compris que la photo de studio n’était pas pour moi.

 Votre plus beau souvenir photographique

La photographie m’a procuré énormément de beaux souvenirs. C’est un passeport vers les sourires et la joie de vivre. Récemment, je me suis plongée dans mes archives et j’ai retrouvé toute une série de photos prises dans les Balkans en 2015. Cette série, je l’ai intitulée « sourires de crise ». Le contexte n’était pas heureux, pourtant j’ai rencontré des hommes et des femmes, de toutes ethnicités confondues, qui m’ont offert leurs sourires comme une nécessité à ce moment-là de rire. Je ne sais pas si c’est moi ou l’appareil qui a provoqué cette émotion, mais ces photos, que je trouvais hors contexte à l’époque, me sont apparues comme une évidence et d’un grand réconfort aujourd’hui. C’est ce que j’aime dans la photographie. Elle provoque de l’émotion à n’importe quel instant.

 Le pire souvenir photographique

J’étais aux USA en 2001. Le 11 septembre, la famille qui m’accueillait regardait les infos en direct. Les images des attentats ont tourné en boucle toute la journée. À un moment, le petit garçon de 9 ans s’est mis devant la télé et a joué avec ses soldats. Cette scène annonçait la guerre qui allait prendre quelques mois plus tard. Je n’ai pas pu faire la photo car je n’avais ni pile, ni pellicule. À l’époque, j’étais timide, je ne parlais pas anglais et je n’avais pas réussi à demander au père de m’accompagner acheter mon matériel. C’est une image que je n’ai pas pu faire, mais qui reste bien gravée dans ma mémoire.

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